jeudi 6 janvier 2011

Un psychologue, un client

Une histoire pensée et écrite par Solo the CyberpunK, puis révisée par DarkEvil.

-Assoyez-vous. Est-ce la première fois que vous consultez? Monsieur, euh, Simon?

-Oui, c’est ça. Absolument, c’est ma première consultation professionnelle.

-Bon! Qu'est-ce qui vous amène à mon bureau?

-J'ai le moral extrêmement faible ces temps-ci.

-Avez-vous déjà fait une dépression auparavant?

-Quoi? Mais qu'est-ce qui vous dit que c'est une dépression après un simple regard? La dépression est un dérèglement mental sérieux, non?

-Certaines personnes ont seulement besoin d'antidépresseurs pour rétablir...

-Non! Je ne veux pas des pilules. Moi, je veux être bien pour vrai et ce n’est pas un débalancement de ma part qui cause mes soucis.

-Avez-vous des idées noires?

-Oui... euh, c’est-à-dire non, je pense.

-...

-Je veux dire que je suis plutôt pessimiste, mais jamais je n'ai pensé au suicide ou à quelque chose de grave. D'ailleurs, je trouve l'idée trop lâche personnellement : les gens qui le font ne sont pas écœurés de vivre, mais plutôt de leur vie, et ça c'est quelque chose qui se change avec la volonté. Du moins c’est ce que je crois.

-D’accord, et vous n'avez pas d'impulsion violente?

-Jamais, ce n'est pas du tout le cas. En vérité je suis venu vous voir parce que je cherche des explications. Je veux avoir un second avis sur un sujet que j’ai discuté avec mes proches.

-D'accord, je vous écoute.

-Tout le monde autour de moi est malheureux. Peu importe comment j'essaie de le voir : les gens que je croise n'aiment pas leur travail, leur vie...

-Vous faites de la projection. Vous voyez votre problème partout.

-Non, je vous assure, tout le monde est toujours de mauvaise humeur, rude et de mauvaise foi.

-Avez-vous un emploi stressant?

-Oui et non... Ce n'était pas le cas avant, mais les dates de production sont de plus en plus serrées. J'ai regardé et c'est comme ceci partout et dans pas mal tous les domaines. Tout le monde est stressé. Ils sont stressés parce que notre système en demande toujours plus à l'individu. Pourquoi pensez-vous?

-Je crois que ce n’est pas à moi de répondre à cette question; vous ne pouvez pas rejeter toutes les fautes sur notre société.

-Je ne vous demande qu’une réponse honnête à ma question, pourquoi notre système en demande-t-il toujours plus à l’individu?

--Eh bien, comme vous le savez, nous avons accepté en tant qu’individu faisant partie de cette société de vivre dans le capitalisme. L'accumulation des biens et ces biens doivent se faire construire évidemment par quelqu’un; mais...

-Exactement. Ce stress en particulier, disons qu'il est arrivé en même temps que la révolution industrielle environ. À ce moment, il fallait produire en grosse quantité pour s’ajuster à la population grandissante, mais aujourd'hui pourquoi le faisons-nous?

--Vous savez qu’il faut subvenir aux besoins des...

-Mais pas des besoins vitaux! Nous pourrions facilement vivre sans tout notre matériel superflu et les modes actuelles. Ces besoins sont créés par le système lui-même. Si nous nous limitions à l'essentiel, je ne crois pas que tout le monde aurait besoin de travailler 40 heures par semaine.

-Allons bon, il y a sûrement un peu trop de négativité là-dedans. La situation pourrait être pire après tout.

-Pourquoi comparer à un extrême absolu? Je cherche à vous faire comprendre ce qui ne fonctionne pas dans la situation actuelle. Il y a des gens qui travaillent jour et nuit pour fabriquer ma prochaine voiture, téléphone cellulaire, lecteur MP3. Moi aussi avec mon travail je contribue à cette chaîne. Mais si je ne travaillais pas, je n'aurais pas besoin de voiture, de cellulaire et de lecteur MP3, du moins certainement pas à ce rythme infernal. Imaginez si c'est pareil pour tout le monde! Dans le fond, ce système était censé nous rendre heureux par la création de biens, mais c'est tout le contraire qui se passe, alors pourquoi le faisons-nous tous? Qui en profite en bout de ligne?

-Monsieur Simon, je vous arrête tout de suite. Nous ne vivons certainement pas dans une utopie et je crois que vous vous fixez des idéaux trop élevés. Vous ne serez jamais heureux ainsi. Pourquoi ne pas penser au meilleur? Par exemple, quand vous pourrez profiter d’une retraite avec votre famille.

-Oui, au moment où l'industrie n'aura plus besoin de moi dû à ma vieillesse. Je travaille en échange d'argent. Cet argent me sert à être plus heureux dans mes temps libres. Sauf que mes temps libres reviennent uniquement à l’argent aussi. Et je le vois autour de moi : les gens malheureux consomment, comme pour combler le vide qu'ils ont à l'intérieur. C'est comme si les gens essayaient toujours de provoquer artificiellement le bonheur. Pourtant, le bonheur est une émotion humaine qui ne se crée pas. Elle se vit. C'est pourquoi les bonheurs artificiels ne durent jamais longtemps : dans le fond de vous, vous savez que vous n'êtes pas "vraiment" heureux. Et alors à ce moment, le vide intérieur absorbe ce bonheur passager pour reprendre toute la place.

-Je crois que vous extrapolez un peu...

-Vous par exemple. Êtes-vous heureux actuellement?

-Euh, oui, *ahem!* Je veux dire... J’ai une vie active et une carrière.

-Mais votre travail vous rend-il heureux?

-Ce n’est pas nécessairement le but... Euh, mais rappelons-nous qu’il s’agit de vous.

-Donc, vous non plus. Posez-vous la question : qu'est-ce que vous avez accompli dans votre vie à part servir le système? Dire à des gens comme moi de consommer des antidépresseurs et d’accepter leur situation. Qui êtes-vous à l'extérieur du travail? Avez-vous encore des projets ou les avez-vous tous abandonnés? Qui tient encore à vous? Les gens sont-ils devenus tellement égoïstes que leurs biens passent avant leurs proches? Comment se sortir de ce cercle infernal?

-...

-...